"En réalité je ne suis jamais né et en vérité je ne peux pas mourir" (Artaud)

vendredi 1 avril 2011

L'enterrement

Evénement bizarre qu'un enterrement dans l'alternance du tragique, l'absurde inanition d'un corps qui emporte un vécu et une partie de nous-mêmes, les sentiments qui ne seront plus partgagés, nos souvenirs désormais solitaires; et le comique - affleurant sans notre consentement - que le moindre détail d'ordre quasi littéraire déclenche comme une revanche de la vie sur la mort, du rire sur le néant.
Aux enterrements qui clôturent une longue vie, un fructueux passage sur terre, je rigole. Systématiquement. Combien de piliers ont masqué mes rires, combien de bénitiers ont recueilli mes spasmes faussement lacrymogènes, combien de condoléances présentées en toute hate, sans respirer puisque l'oxygène est le souffle du rire. Il en fut de même en cette dernière occasion, malgré les flagellations mentales sensées opérer le redressement moral sur le chemin du tanatorium. Il semble pourtant que le pêché n'ait aucune prise sur une âme si faible devant la tentation de la rigolade promise.
Alors que l'ecclesiatique voulait nous convaincre que la Terre est le lieu de la mort et que le ciel est bien celui de la vie eternelle, j'ai senti une irrepressible envie de me marrer tant j'avais le sentiment d'avoir rejoint la dimension inconnue: la quatrième ou la énième...C'est alors qu'ont résonné les premières notes de l'adagio de circonstance non sans les quelques fausses notes de rigueur, ce qui a considérablement empiré mon état que j'avais d'autant plus de mal à dissimuler qu'aucun pilier, crypte, lieu sombre ne me permettait un repli stratégique. En effet, qui dit tanatorium dit modernité, feng-shui, élégant dépouillement économique en somme.
Voyez-vous, il existe deux métiers maudits pour lesquels un retour ponctuel à la guillotine est à envisager: la coiffure et l'architecture, tous deux responsables de maintes destructions du paysage urbain.
Donc, secouée par ce que des esprits bienveillants auraient pu prendre pour des sanglots, quelle ne fut pas ma surprise - l'abominable coup de grâce - de constater que le duo musical était formé par un pianiste à la lassitude tenace et un violoniste dont la lèvre inférieure gonflée et tuméfiée pendait sur une énorme excroissance.  Le sort s'acharnait et mon agonie était à son paroxysme sous le regard réprobateur de ma fille qui a bien compris à ce moment là qu'elle devrait se faire une raison. Maman est vraiment secouée et pas qu'aux enterrements.

2 commentaires:

  1. Provocatrice, cynique , géniale, ma sensible et généreuse amie! Nous savons bien que la grandeur de l' être dépasse de très haut l' inanité du rituel qui accompagne sa sublimation.

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  2. Dans ma sincérité, qui là, pour une fois n'a rien se cynique, je préfère prendre le temps de partager avec toi les sublimations que nous offre la vie, mon amie.

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